CHAIRE DE RECHERCHE
DU CANADA SUR LA JUSTICE INTERNATIONALE PÉNALE
ET LES DROITS FONDAMENTAUX

La 12e session de l’Assemblée des États parties de la Cour pénale internationale à l’heure du bilan : retour sur quelques décisions marquantes

Marie Lugaz

Marie Lugaz effectue son doctorat en droit à l'Université Laval sous la direction de la Professeure Fannie Lafontaine. Ce doctorat se déroule en cotutelle avec l'Université d'Aix-Marseille en France, dont elle est diplômée du Master 2 Droit de la reconstruction des Etats, dirigé par le Professeur Xavier Philippe. En parallèle, elle travaille en tant qu'auxiliaire de recherche au sein de la Chaire de recherche du Canada sur la justice internationale pénale et les droits fondamentaux.

Elle participe aux activités de la Clinique de droit international pénal et humanitaire depuis l'automne 2012, période pendant laquelle elle effectuait un échange uniersitaire entre l'Université de la Sorbonne et la Faculté de droit de l’Université Laval. A cette occasion, elle a assisté l’organisation Peace and Justice Initiative dans la rédaction de deux rapports sur la mise en œuvre du Statut de Rome par le Sénégal et par le Mali. De retour à Québec pour l’été 2013, elle a effectué un stage au sein de la Clinique

Par la suite, entre le mois de mars et le mois de septembre 2014, elle a effectué un stage au sein du Parquet général près les Chambres africaines extraordinaires, à Dakar

Vous pouvez la suivre sur Twitter: @marielax.

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Nom de famille 
Lugaz
Prénom 
Marie
2 Décembre 2013

 

La 12e session de l’Assemblée des États Parties de la Cour pénale internationale s’est achevée le 28 novembre dernier à La Haye, après neuf jours d’intenses discussions. Ses travaux, qui portaient sur des sujets tous plus sensibles les uns que les autres, se sont clôturés avec l’adoption d’un certain nombre de décisions importantes. Le présent billet de blogue se propose de revenir sur quelques unes d’entre elles.

Les différentes résolutions adoptées par l’Assemblée

La résolution sur le renforcement de la Cour pénale internationale et de l’Assemblée, appelée résolution omnibus, a été adoptée par l’Assemblée des États Parties le 27 novembre 2013. Cette résolution reprend la plupart des conclusions de l’Assemblée et s’intéresse à des questions liées aux pratiques de la Cour, mais également à des questions politiques en lien avec cette dernière. 

En parallèle de la résolution omnibus, des résolutions séparées sont souvent adoptées par l’Assemblée, à propos de sujets spécifiques sur lesquels est portée une attention plus particulière. Comme lors de sa 11e session, l’Assemblée a adopté cette année sept résolutions en parallèle de la résolution omnibus. Néanmoins, les sujets abordés dans ces résolutions sont également mentionnés dans la résolution omnibus.

L’Assemblée a ainsi adopté une résolution concernant le budget de la Cour pour l’année 2014, une résolution sur les locaux permanents de la Cour, mais également une résolution sur la coopération. Concernant ce dernier point, l’Assemblée a souligné l’importance de la mise en œuvre au niveau national des textes portant sur la coopération des États avec la Cour, ainsi que sur l’importance du respect des décisions de la Cour, de l’exécution des mandats d’arrêt, mais également du soutien politique et diplomatique à apporter à la Cour.

Une résolution spéciale a par ailleurs été adoptée au sujet des victimes, des communautés affectées, et du Fonds au profit des victimes. Cette résolution a insisté sur le droit des victimes à participer aux procédures et de demander des réparations. En outre, l’accent a été mis sur la nécessité d’informer et d’impliquer davantage les victimes dans les procédures devant la Cour.

Enfin, des résolutions spéciales ont été adoptées sur la complémentarité, sur le Mécanisme de contrôle indépendant et sur les amendements au Règlement de procédure et de preuve. Dans sa résolution sur la complémentarité, l’Assemblée invite une nouvelle fois les entités concernées (États, organisations internationales, membres de la société civile, et même la Cour), à communiquer au Secrétariat les informations relatives aux actions réalisées dans ce domaine. En ce qui concerne le Mécanisme de contrôle indépendant, l’Assemblée a pris des mesures afin de rendre opérationnels certains de ses mandats prévus par le Statut de Rome. Concernant la résolution sur les amendements, la plupart de ses dispositions sont reprises par la résolution omnibus.

L’adoption de la résolution omnibus

Tout au long des huit jours de l’Assemblée des États Parties, des réunions informelles ont eu lieu à propos de la résolution omnibus. Ces réunions étaient présidées par la coordinatrice, Madame Ana Cristina Rodríguez Pineda, du Guatemala.

La résolution omnibus est un texte long de 14 pages, divisé en 22 chapitres, précédés d’une introduction. Le texte comprend également deux annexes : l’une relative aux mandats de l’Assemblée des États Parties pour la période intersessions, et l’autre concernant les amendements à la Résolution ICC-ASP/3/Res.6 relative à la procédure de nomination et d’élection des juges.

Parmi les nombreux thèmes abordés dans cette résolution, l’Assemblée a dédié un Chapitre à la relation de la Cour avec les Nations Unies. L’Assemblée souligne notamment le fait que jusqu’ici, les dépenses occasionnées par la Cour à propos de situations qui lui ont été déférées par le Conseil de sécurité des Nations Unies ont uniquement été supportées par les États Parties. Or, l’article 115 (b) du Statut de Rome prévoit que les dépenses liées à la saisine de la Cour par le Conseil de sécurité sont financées par les ressources financières fournies par l’ONU, sous réserve de l’approbation par l’Assemblée des États Parties. Dans la résolution omnibus, l’Assemblée invite donc les États Parties à se pencher sur la question de l’application actuelle de cet article.

La résolution omnibus est également l’occasion pour l’Assemblée des États Parties de rappeler le principe d’universalité du Statut de Rome et d’inviter les États non parties au Statut à le devenir. L’accent est mis sur le suivi du processus de ratification, ainsi que des lois de mise en œuvre du Statut au niveau national.

Concernant les activités de la Cour, l’Assemblée souligne les efforts fournis par le Bureau du Procureur en ce qui concerne l’efficacité et la transparence dont ce dernier doit faire preuve durant les examens préliminaires, les enquêtes et les poursuites.

Il est ensuite fait mention dans la résolution omnibus d’amendements apportés aux procédures de nomination et d’élection des juges de la Cour. Les méthodes de travail du bureau de l’Assemblée des États Parties ont également été modifiées, à travers un amendement apporté à la règle 29 du Règlement intérieur de l’Assemblée pour le début du mandat des membres du bureau.

À propos de l’assistance judiciaire, la résolution insiste sur le fait qu’il est important d’assurer un suivi continu de l’efficacité du système révisé d’aide judiciaire. L’Assemblée a également adopté une feuille de route proposée par le Groupe d’étude sur la gouvernance destinée à faciliter un dialogue efficace et structuré entre toutes les parties prenantes au Statut de Rome en ce qui concerne l’administration de la justice pénale par la Cour. Dans le domaine de la planification stratégique, la résolution prévoit la poursuite du dialogue entre les parties prenantes concernées, notamment en ce qui concerne la stratégie de communication de la Cour.

Enfin, la résolution souligne l’importance d’une représentation géographique toujours plus diversifiée au sein du personnel, devant influencer les décisions de recrutement. Ces décisions doivent également tendre à une meilleure représentation homme-femme au sein du personnel de la Cour. Cependant, le texte de la résolution ne mentionne pas d’autres défis liés à la représentation. Il serait par exemple intéressant de permettre une meilleure représentation des différents systèmes de droit au sein du personnel de la Cour.

Vers la 13ème Assemblée des États Parties

En annexe de la résolution omnibus, se trouve une liste des mandats que l’Assemblée des États Parties est appelée à réaliser d’ici la prochaine session. L’objectif est que cette feuille de route soit utilisée par les Bureaux de la Cour à La Haye et à New York.

Il est prévu que la prochaine Assemblée des États Parties se déroule à New York en décembre 2014. En vertu de l’article 112 (6) du Statut de Rome, la réunion annuelle de l’Assemblée se tient une fois par an « au siège de la Cour ou au siège de l’Organisation des Nations Unies ». Selon cette pratique de l’alternance, l’Assemblée des États Parties se tiendra en 2014 à New York et reviendra de nouveau à La Haye en 2015.

Lors des discussions informelles au sujet de la résolution omnibus, certains États avaient tendance à remettre en question cette rotation. Certains sont en effet mieux représentés à New York, où ils ont en général déjà une délégation au sein de l’Organisation des Nations Unies. Lorsque l’Assemblée des États Parties a lieu à La Haye, cela impliquerait pour ces États un coût plus élevé que pour une Assemblée se tenant à New York. D’autres ont même été contraints de ne pas envoyer de délégation à La Haye pour les représenter.

Néanmoins, comme cela a été rappelé par certains États lors des discussions informelles, les locaux permanents de la Cour pénale internationale ont pour objectif d’accueillir à l’avenir l’Assemblée des États Parties. L’investissement réalisé pour la construction de cet édifice est colossal, à tel point qu’il serait déraisonnable de vouloir modifier la rotation des sessions pour organiser celles-ci majoritairement à New York. Il a en outre été rappelé que lorsque les sessions de l’Assemblée des États Parties seront organisées à l’avenir dans les locaux permanents de la CPI, celles-ci seront beaucoup moins coûteuses, du moins pour la Cour.

Sur la question la plus brulante, la 12e session de l’Assemblée des États Parties a rejeté la proposition du Kenya appelant à modifier l’article 27 du Statut de Rome qui prévoit le défaut de pertinence de la qualité officielle. Cette proposition, qui fait suite au rejet par le Conseil de sécurité des Nations Unies du projet de résolution visant à suspendre les procédures engagées par la Cour à l’encontre du Président et du vice-Président kenyan, avait pour finalité de renvoyer les poursuites contre les gouvernants en exercice à la fin de leur mandat.  Décriée par de nombreux États et les ONG, cette proposition n’a pas été accueillie favorablement par l’Assemblée des États Parties. Toutefois, les amendements apportés au Règlement de procédure et de preuve démontrent que l’Assemblée n’a pas été totalement insensible aux pressions kenyanes appuyées par l’Union africaine.

Prise dans le tourbillon des attaques africaines, la Cour poursuit sa résistance. Mais pour combien de temps encore ? Seul l’avenir nous le dira.

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